Si une personne ne connaissant rien du catholicisme regardait Spotlight, le nouveau film sur la crise des prêtres pédophiles (qui sort officiellement demain), elle resterait probablement le plus loin possible de l’Église.
Le postulat du film est le suivant : pendant des dizaines d’années, l’Église catholique a couvert des cas d’abus sexuels commis par des prêtres (dans le film, l’accent est mis sur l’église de Boston, mais le problème était mondial.) L’Église déplaçait ces prêtres fautifs d’une paroisse à une autre, les envoyait suivre des programmes variés de thérapies réparatrices, au besoin organisait des arrangements financiers confidentiels avec les victimes des abus en question, et supprimait toute tentative de rendre publique la vérité sur l’étendue de ces abus.
C’est triste à dire, mais ces faits sont indiscutables, même s’il y a des nuances qui, selon le point de vue de chacun, peuvent adoucir quelque peu les angles de ce scandale.
Le calendrier du film se termine en 2002, avec la publication par le Boston Globe du premier grand reportage sur le thème de l’abus sexuel et de sa dissimulation, rédigé par l’équipe d’investigation du périodique, appelée « Spotlight » (Projecteur). Dans la scène finale, l’auteur de cette histoire de première de couverture est dans le bureau de l’avocat d’une victime. Celui-ci se prépare à rencontrer un nouveau client dont les enfants préadolescents viennent d’être molestés par un prêtre – une scène dont l’intention est clairement de suggérer que les abus durent encore, ce qui, il y a dix ans, pouvait bien être le cas.
Selon le film, c’est le tout nouveau rédacteur en chef juif du Globe, Marty Baron (joué par Liev Schreiber), qui met Spotlight au travail sur l’histoire du père John Geoghan, en tous points un pédophile en série, (la Marie Typhoïde de la crise des abus). Ce prêtre fut jugé, condamné et envoyé en prison où, en 2003, il fut assassiné par un codétenu. Le film de Tom Mac Carthy est, par certains côtés, une imitation passablement laborieuse du film d’Alan J. Pakula : Les hommes du président, un film bien meilleur, quoique un hymne au « courage » des journalistes tout aussi autosatisfait et surfait.
Dans chacune de ces deux grandes histoires, (le Watergate et les abus sexuels des prêtres), il y avait certainement des forces établies contre la vérité, quoique, soyons honnêtes, personne n’a tiré sur les reporters. Pakula a su créer le pressentiment d’un danger latent pour que le spectateur se demande si Woodstein survivrait même pour voir leur triomphe de journalistes éclabousser les pages du Washington Post. Mac Carthy, lui, ne fait que créer l’impression… désagréable-que Walter « Robby » Robinson (Michael Keaton) chef de l’équipe de Spotlight, risque d’avoir du mal à trouver quatre partenaires catholiques pour son équipe de golf, ou que Mike Rezendes (Mark Ruffalo) qui rédige l’exposé initial dans le Globe, risque de craquer sous la menace d’être exclu de la vie mondaine catholique de Boston, qui est à peu près toute la vie à Boston.